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SCÈNE I.

intéresse toutes deux très-vivement. Je pense que notre père partira d’ici ce soir.

régane.

Bien sûr, et avec vous ; le mois prochain, ce sera notre tour.

goneril.

Vous voyez combien sa vieillesse est sujette au caprice. L’épreuve que nous en avons faite n’est pas insignifiante : il avait toujours préféré notre sœur, et la déraison avec laquelle il vient de la chasser est trop grossièrement manifeste.

régane.

C’est une infirmité de sa vieillesse ; cependant il ne s’est jamais qu’imparfaitement possédé.

goneril.

Dans la force et dans la plénitude de l’âge, il a toujours eu de ces emportements. Nous devons donc nous attendre à subir, dans sa vieillesse, outre les défauts enracinés de sa nature, tous les accès d’impatience qu’amène avec elle une sénilité infirme et colère.

régane.

Nous aurons sans doute à supporter de lui maintes boutades imprévues, comme celle qui lui a fait bannir Kent.

goneril.

La cérémonie des adieux doit se prolonger encore entre le Français et lui. Entendons-nous donc, je vous prie. Si, avec les dispositions qu’il a, notre père garde aucune autorité, la dernière concession qu’il nous a faite deviendra dérisoire.

régane.

Nous aviserons.

goneril.

Il nous faut faire quelque chose, et dans la chaleur de la crise.

Elles sortent.