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CORIOLAN.

taient leurs gants, — les dames et les jeunes filles, leurs écharpes et leurs mouchoirs, — quand il passait ; les nobles s’inclinaient — comme devant la statue de Jupiter ; et les gens du commun — lançaient une grêle de bonnets, un tonnerre d’acclamations. — Je n’ai jamais rien vu de pareil.

brutus.

Allons au Capitole, — ayant l’œil et l’oreille aux aguets, — le cœur à la hauteur des événements !

sicinius.

Je vous accompagne.

Ils sortent.

SCÈNE XII.
[La salle du sénat, au Capitole.]
Entrent deux officiers, qui posent des coussins.
premier officier.

Vite ! vite ! ils sont tout près d’ici… Combien y a-t-il de candidats pour le consulat ?

deuxième officier.

Trois, dit-on ; mais chacun pense que Coriolan l’emportera.

premier officier.

C’est un brave compagnon, mais il est diantrement fier, et il n’aime pas le commun peuple.

deuxième officier.

Ma foi, il y a nombre de grands personnages qui ont flatté le peuple et ne l’ont jamais aimé ; et il en est d’autres que le peuple a aimés sans savoir pourquoi. Or, si le peuple aime sans savoir pourquoi, il peut haïr sans meilleur motif. Donc, en ne se souciant ni de sa haine ni de son amour, Coriolan prouve qu’il connaît à fond sa disposition, et il le lui fait bien voir par sa noble indifférence.