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SCÈNE XIII.

toutes ses plumes, et qu’alors il est dans le tempérament de tous les oiseaux de quitter la maman.

shylock.

Elle est damnée pour cela.

salarino.

C’est certain, si elle a le diable pour juge.

shylock.

Ma chair et mon sang se révolter ainsi !

salarino.

Fi, vieille charogne ! le devraient-ils à ton âge ?

shylock.

Je parle de ma fille qui est ma chair et mon sang.

salarino.

Il y a plus de différence entre ta chair et la sienne qu’entre le jais et l’ivoire ; entre ton sang et le sien qu’entre le vin rouge et le vin du Rhin… Mais, dites-nous, savez-vous si Antonio a fait, ou non, des pertes sur mer ?

shylock.

Encore un mauvais marché pour moi ! Un banqueroutier, un prodigue, qui ose à peine montrer sa tête sur le Rialto ! Un mendiant qui d’habitude venait se prélasser sur la place !… Gare à son billet ! Il avait coutume de m’appeler usurier. Gare à son billet ! Il avait coutume de prêter de l’argent par courtoisie chrétienne. Gare à son billet !

salarino.

Bah ! je suis sûr que, s’il n’est pas en règle, tu ne prendras pas sa chair. À quoi serait-elle bonne ?

shylock.

À amorcer le poisson ! dût-elle ne rassasier que ma vengeance, elle la rassasiera. Il m’a couvert d’opprobre, il m’a fait tort d’un demi-million, il a ri de mes pertes, il s’est moqué de mes gains, il a conspué ma nation, tra-