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LE PÈLERIN PASSIONNÉ.

XII

Seigneur ! quels regards mes yeux jettent vers l’orient ! Mon cœur me tient en éveil ; le lever du jour arrache au repos toutes mes facultés sensibles. N’osant me fier au rapport de mes yeux,

Tant que Philomèle veille et chante, je veille et j’écoute, en souhaitant qu’elle chante les mêmes airs que l’alouette.

Car l’alouette salue l’aube de son roucoulement et chasse la sombre nuit et ses rêves terribles. La nuit une fois dissipée, je vole près de ma belle ; mon cœur obtient son désir ; mon regard, la vue souhaitée.

Le chagrin se change en joie, joie mélangée de chagrin ; car ma belle a soupiré en me disant de revenir demain.

Si j’étais avec elle, la nuit s’écoulerait trop vite, mais maintenant les minutes ont la longueur des heures ; maintenant, pour me dépiter, chaque minute semble une lune ; ah ! que le soleil luise sinon pour moi, du moins pour vivifier les fleurs !

Envole-toi, nuit, brille, jour ! Bon jour, empiète sur la nuit ; et toi, nuit, abrège-toi cette nuit pour t’allonger demain.

XIII

C’était la fille d’un gentilhomme, la plus jolie entre trois. Elle aimait son précepteur autant que possible, jusqu’au jour où sur un Anglais, le plus beau qu’on pût voir, son inclination se tourna.

Le combat fut longtemps douteux entre ces deux amours. Que faire ? Cesser d’aimer le précepteur ou sacrifier le galant chevalier ? Accomplir l’une ou l’autre chose,