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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

qui leur semblent si douces, par crainte des malheurs qui prêchent pour notre sauvegarde. Ô désir ! que tu es éloigné de la sagesse ! Tu ne peux t’empêcher de goûter à ce que tu veux, bien que la raison pleure et te crie : Tout est fini !

XXV

» En effet, je pouvais me dire d’avance : Cet homme est un trompeur, et je connaissais les échantillons de sa noire perfidie ; j’avais appris dans combien de vergers divers il jetait ses racines, et vu que de déceptions se doraient de son sourire ; je savais que les serments n’étaient pour lui que les entremetteurs du vice ; je me disais que ses lettres et ses paroles artificieuses n’étaient que les noires bâtardes de son cœur adultère.

XXVI

» Dans ces conditions, je gardais depuis longtemps ma cité, lorsqu’il se mit à m’assiéger ainsi : « Douce vierge, ayez pour ma jeunesse souffrante quelque sentiment de pitié, et ne vous défiez pas de mes serments sacrés ; nulle n’a reçu jusqu’ici la foi que je vous engage ; car, si j’ai été entraîné aux festins de l’amour, vous êtes la première que j’y aie invitée en lui offrant mes vœux.

XXVII

» Toutes les fautes que vous m’avez vu faire de par le monde sont erreurs des sens et non du cœur ; l’amour n’en est pas cause ; elles ont leur raison d’être là où il n’y a des deux parts ni sincérité ni tendresse. S’il en est qui ont trouvé la honte, c’est qu’elles l’ont elles-