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LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

VII

Elle prit nombre de billets pliés qu’elle parcourut, puis, après un soupir, mit en pièces et jeta au flot ; elle brisa beaucoup de bagues d’or et d’os couvertes de devises, auxquelles elle assigna la vase pour sépulcre ; elle tira encore d’autres billets tristement écrits en lettres de sang, précieusement enveloppés d’un lacet de soie écrue et scellés avec un secret curieux.

VIII

Elle les baigna maintes fois de ses larmes, les couvrit de baisers, et s’apprêtant à les déchirer : « Ô sang trompeur, s’écria-t-elle, registre de mensonges ! que de faux témoignages tu portes ! L’encre eût été mieux à sa place ! sa couleur est plus noire et plus infernale ! » Cela dit, au comble de la rage, elle met en pièces toutes ces lettres, dont elle anéantit le contenu dans l’éclat de son mécontentement.

IX

Un homme vénérable faisait paître son troupeau dans le voisinage. Cet homme avait été jadis un joyeux vivant, au courant des querelles de la cour et de la ville ; il avait traversé les heures les plus légères et remarqué comme elles s’envolent. Vite il s’approche de cette singulière affligée, et, en vertu du privilége de l’âge, demande à connaître brièvement l’origine et les motifs de sa douleur.

X

Il se laisse glisser sur son bâton noueux, et, s’asseyant près d’elle à une distance convenable, la prie une