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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CCLVII

L’un la réclame comme son bien, l’autre comme son bien aussi ; mais ni l’un ni l’autre ne peut plus posséder ce qu’il revendique. Le père dit : « Elle est à moi. » — « Oh ! elle est à moi, réplique le mari ; ne m’enlevez pas les droits de ma douleur, que pas un affligé ne prétende la pleurer, car elle était à moi seul, et elle ne doit être pleurée que par Collatin. »

CCLVIII

« Oh ! dit Lucrétius, je suis l’auteur de cette vie qu’elle vient d’anéantir à la male heure et de si bonne heure. « Hélas ! hélas ! dit Collatin, elle était ma femme : je la possédais, et c’est mon bien qu’elle détruit. » — « Ma fille !… Ma femme ! » Ces cris remplissent l’air ambiant qui, ayant absorbé la vie de Lucrèce, leur répondait : « Ma fille !… ma femme ? »

CCLIX

Brutus, qui vient d’arracher le couteau du flanc de Lucrèce, en présence de cette émulation de douleurs, restitue à son intelligence sa parure de fière dignité, ensevelissant dans la plaie de Lucrèce ses semblants de folie. Il était estimé chez les Romains, comme les fous de cour chez les rois, pour ses plaisanteries et ses saillies extravagantes.

CCLX

Mais maintenant il jette de côté ce masque superficiel sous lequel il déguisait une politique profonde, et