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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CCXXXII

« Donc, que cette déclaration suffise à ma tâche : — Cher époux, un étranger est venu prendre possession de ton lit ; il a couché sur cet oreiller où tu avais coutume de reposer ta tête fatiguée ; et maintenant imagine tous les outrages qu’une odieuse violence a pu me faire, ta Lucrèce, hélas ! les a subis !

CCXXXIII

» Dans les mornes ténèbres de la nuit la plus sombre, s’est glissé dans ma chambre, armé d’un glaive étincelant, un flambeau à la main, un être qui m’a dit à voix basse : « Éveille-toi, dame romaine, et accueille mon amour ; ou cette nuit même j’infligerai, à toi et aux tiens, un éternel déshonneur, pour peu que tu résistes à mes désirs.

CCXXXIV

» Car, a-t-il ajouté, à moins que tu n’accouples ton adhésion à ma volonté, je vais égorger le plus hideux de tes laquais, et t’assassiner ensuite ; puis je jurerai que je vous ai surpris accomplissant l’acte immonde de la luxure et que j’ai tué les paillards sur le fait : cet acte fera ma gloire et ta perpétuelle infamie. »

CCXXXV

« Sur ce, je commençai à frémir et a crier ; et alors il mit son épée contre mon cœur, jurant, si je ne supportais tout avec patience, que je ne proférerais pas un mot de plus et que j’allais cesser de vivre ; qu’ainsi ma honte