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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CXXXIV

» Pourquoi ta servante, l’occasion, a-t-elle trahi les heures que tu m’avais accordées pour le repos ? Pourquoi a-t-elle détruit mon bonheur, et m’a-t-elle enchaînée à une ère indéfinie de malheurs infinis ? Le devoir du temps est de mettre un terme aux rancunes des ennemis, de dévorer les erreurs engendrées par l’opinion, et non de dissiper la dot d’un légitime amour.

CXXXV

» La gloire du temps est de réconcilier les rois en querelle, de démasquer la fausseté et de mettre la vérité en lumière, d’apposer le sceau du temps sur les choses vénérables, de veiller le matin, et de faire sentinelle la nuit, d’offenser l’offenseur jusqu’à ce qu’il répare ses torts, de ruiner d’heure en heure les fiers édifices, et de barbouiller de poussière leurs splendides tours dorées.

CXXXVI

» Sa gloire est de rendre vermoulus les majestueux monuments, d’alimenter l’oubli avec la ruine des choses, de raturer les vieux livres et d’en altérer le contenu, d’arracher les plumes aux ailes des anciens corbeaux, de tarir la sève des vieux chênes, et de faire éclore les bourgeons, de dégrader les antiquailles d’acier forgé, et de tourner la roue vertigineuse de la Fortune.

CXXXVII

» C’est de présenter à l’aïeule les filles de sa fille, de faire de l’enfant un homme, de l’homme un enfant, de