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LE VIOL DE LUCRÈCE.

insu de ces plaies honteuses que connaît seul celui qui les a faites !

CXX

» Collatin, s’il est vrai que je sois responsable de ton honneur, il m’a été arraché par un assaut violent. Mon miel est perdu ; abeille devenue frelon, il ne me reste rien des trésors de mon été, ils ont été volés et mis au pillage par le plus outrageant larcin. Dans ta faible ruche une guêpe errante s’est glissée, et a sucé le miel que gardait ta chaste abeille.

CXXI

» Pourtant suis-je coupable du naufrage de ton honneur ? C’est en ton honneur que j’ai accueilli cet homme ; venant de ta part, je ne pouvais le renvoyer, car c’eût été te faire affront que de le dédaigner. Et puis, il se plaignait d’être las, et il parlait de vertu ! Ô perversité imprévue, quand un pareil démon profane la vertu !

CXXII

» Pourquoi le ver s’insinue-t-il dans le bouton vierge ? Pourquoi l’odieux coucou couve-t-il dans le nid du passereau ? Pourquoi les crapauds empoisonnent-ils les sources pures d’une fange venimeuse ? Pourquoi la démence tyrannique se glisse-t-elle dans de nobles seins ? Pourquoi les rois violent-ils leur propres engagements ? Il n’y a pas de perfection si absolue qui ne soit polluée par quelque impureté.

CXXIII

» Le vieillard, qui entasse son or, est tourmenté par les crampes, par la goutte et de pénibles accès ; à peine