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VÉNUS ET ADONIS.

Les résultats inespérés sont souvent atteints à force d’audace, surtout en amour, où la licence dépasse souvent la permission. La passion ne se décourage pas comme un blême couard, mais elle est d’autant plus pressante que son choix est plus résistant.

XCVI

Oh ! si Vénus avait renoncé alors qu’Adonis fronçait le sourcil, elle n’aurait pas savouré sur ses lèvres un tel nectar ; une parole dure, un froncement de sourcil ne doivent point rebuter qui aime. Qu’importe que la rose ait des épines, elle n’en est pas moins cueillie ? Quand la beauté serait enfermée sous vingt serrures, l’amour, pour se frayer un accès, finirait par les crocheter toutes.

XCVII

Enfin, par pitié, elle ne peut plus le retenir ; le pauvre ingénu la prie de le laisser partir : elle se résout à ne pas le garder plus longtemps, et lui dit adieu en lui recommandant son cœur, à elle, qu’Adonis (elle en jure par l’arc de Cupidon) emporte encagé dans son sein.

XCVIII

« Doux enfant, dit-elle, je vais passer cette nuit dans la douleur, car mon cœur souffrant force mes yeux à veiller. Dis-moi, maître de l’amour, nous verrons-nous demain ? Nous verrons-nous, dis ? Nous verrons-nous ? En veux-tu faire la convention ? » Il lui répond que non ; demain il a l’intention de chasser le sanglier avec plusieurs de ses amis.