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VÉNUS ET ADONIS.

rouge aurore qui toujours annonce le naufrage aux matelots, l’orage aux plaines, la souffrance aux pâtres, le malheur aux oiseaux, les rafales et les bourrasques sombres aux bergers et aux troupeaux.

LXXVII

Elle observe habilement ce mauvais présage. Telle que le vent qui se calme à l’approche de la pluie, que le loup qui montre les dents avant d’aboyer, que la baie qui se rompt avant de tacher, ou que le boulet de canon qui éclate avant de tuer, la pensée d’Adonis a frappé Venus avant qu’il ait parlé.

LXXVIII

Elle tombe à la renverse sous ce regard ; car les regards tuent l’amour, comme ils le ravivent. Un sourire guérit d’un coup d’œil blessant : et bénie est la banqueroute dont l’amour fait ainsi un profit ! L’enfant candide, la croyant morte, presse ses pâles joues jusqu’à ce qu’elles rougissent.

LXXIX

Tout effaré, il renonce à son intention première ; car il songeait à la réprimander vivement, mais une ruse d’amour a habilement prévenu ce dessein. Puisse l’habileté qu’elle met à se défendre lui réussir ! Vénus reste gisant sur l’herbe, comme si elle était morte, jusqu’à ce que le souffle d’Adonis lui souffle une vie nouvelle.

LXXX

Il lui serre le nez, il la frappe sur les joues, lui plie les doigts, lui presse le pouls, lui réchauffe les lèvres ; il