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VÉNUS ET ADONIS.

son exemple suffirait à t’enseigner. Oh ! apprends à aimer ! la leçon est bien simple ; et, une fois sue, elle n’est jamais oubliée. »

LXIX

« Je ne connais pas l’amour, répond-il, et je ne veux pas le connaître, à moins que ce ne soit une bête fauve, et alors je lui donnerai la chasse. C’est une dette trop lourde que je ne veux pas contracter. Mon amour pour l’amour n’est que l’amour du mépris ; car j’ai ouï dire que l’amour est une vie d’agonie qu’un souffle fait rire et pleurer.

LXX

» Qui donc porte un vêtement informe et inachevé ? Qui cueille le bouton avant qu’une seule feuille ait paru ? Pour peu que les choses soient mutilées dans leur croissance, elles se flétrissent dès leur primeur et ne valent plus rien. Le poulain qui est monté et chargé trop jeune perd son énergie et jamais ne devient fort.

LXXI

» Vous heurtez ma main en l’étreignant. Séparons-nous, et laissez là ce thème futile, cet inutile verbiage. Levez le siége de mon imprenable cœur ; il n’ouvrira pas la porte aux alarmes de l’amour. Trêve de protestations, de larmes feintes, de flatteries ! rien de tout cela ne saurait battre en brèche un cœur ferme. »

LXXII

— « Quoi, tu parles, s’écrie-t-elle, tu as une langue ! Oh ! que n’es-tu muet, ou que ne suis-je sourde ! Ta voix