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VÉNUS ET ADONIS.

de l’ivoire dans un cercle d’albâtre, si blanche est cette amie étreignant cet ennemi si blanc ! Ce beau combat avec ses agressions et ses résistances rappelle les ébats de deux colombes argentées qui se becquètent.

LXII

Une fois de plus elle fait agir l’engin de ses pensées : « O toi le plus bel être de ce globe mortel, que n’es-tu ce que je suis, et que ne suis-je un homme ! mon cœur intact comme le tien, ton cœur blessé comme le mien ! Pour un doux regard je t’assurerais du secours, quand le poison de mon corps devrait être ton unique remède. »

LXIII

— « Rends-moi ma main, dit-il, pourquoi la touches-tu ? » — « Rends-moi mon cœur, dit-elle, et je la lâche ; oh ! rends-moi mon cœur, de peur qu’il ne devienne d’acier au contact de ton cœur dur, et que, devenu d’acier, il ne soit impénétrable à de tendres soupirs. Alors je resterais toujours insensible aux sanglots profonds de l’amour, le cœur d’Adonis ayant endurci le mien. »

LXIV

— « Par pudeur, s’écrie-t-il, lâchez, lâchez-moi. Le plaisir de ma journée est perdu ; mon cheval est parti, et c’est votre faute s’il m’a échappé ainsi. Je vous prie, allez-vous-en, et laissez-moi seul ici. Car mon unique idée, ma pensée, ma préoccupation unique, est de reprendre mon palefroi à cette jument. »