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SONNETS.


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CXXXVIII

Te comparerai-je à un jour d’été ? Tu es plus aimable et plus tempéré. Les vents violents font tomber les tendres bourgeons de mai, et le bail de l’été est de trop courte durée.

Tantôt l’œil du ciel brille trop ardemment, et tantôt son teint d’or se ternit. Tout ce qui est beau finit par déchoir du beau, dégradé, soit par accident, soit par le cours changeant de la nature.

Mais ton éternel été ne se flétrira pas et ne sera pas dépossédé de tes grâces. La mort ne se vantera pas de ce que tu erres sous son ombre, quand tu grandiras dans l’avenir en vers éternels.

Tant que les hommes respireront et que les yeux pourront voir, ceci vivra et te donnera la vie.

CXXXIX

Temps dévorant, émousse les pattes du lion, et fais dévorer par la terre ses propres couvées ; arrache la dent aiguë de la mâchoire du tigre féroce, et brûle dans son sang le phénix séculaire.

Fais les saisons gaies et tristes dans ton vol rapide, et dispose à ta guise, Temps au pied léger, du monde immense et de toutes ses délices éphémères. Mais il est un crime que je te défends, le plus odieux de tous :

Oh ! ne creuse pas avec tes heures le front pur de mon amour, et n’y trace pas de lignes avec ton antique plume :