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HENRY IV.

de la cruauté exercée, dans ma famille, sur mon frère de naissance, — je fais ma querelle personnelle.

westmoreland.

— Il n’y a pas là de redressement à faire ; — ou, s’il en est, cette tâche ne vous appartient pas.

mowbray.

— Et pourquoi ne lui appartiendrait-elle pas, en partie, ainsi qu’à nous tous, — qui sentons encore les meurtrissures du passé — et qui voyons le temps présent — appesantir une main oppressive et inique — sur nos honneurs !

westmoreland.

Ô mon bon lord Mowbray (75), — jugez le temps d’après ses nécessités, — et vous direz alors vraiment que c’est le temps, — et non le roi, qui cause vos maux. — Quant à vous, pourtant, il me semble — que ni le roi ni le temps présent — ne vous ont donné lieu — de bâtir le moindre grief. N’avez-vous pas été réintégré — dans toutes les seigneuries du duc de Norfolk, — votre noble père de digne mémoire ?

mowbray.

— Qu’avait donc perdu mon père dans son honneur, — qui eût besoin de revivre et d’être ranimé en moi ? — Le roi qui l’aimait, par une raison d’État — fut forcé, impérieusement forcé de le bannir. — Et c’était le moment où Henry Bolingbroke et lui, — tous deux en selle, dressés sur leurs arçons, — leurs coursiers hennissant comme pour agacer l’éperon, — leurs lances en arrêt, leurs visières baissées, — leurs yeux de flamme étincelant à travers les jours de l’acier, — allaient s’entre-choquer dans une éclatante fanfare ! — À ce moment, au moment même où rien ne pouvait protéger — contre l’élan de mon père la poitrine de Bolingbroke, — oh ! à ce moment le roi précipita contre terre son bâton ; — et en même temps