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RICHARD II.

ceur ! Oh ! que ne suis-je aussi grand — que ma douleur ou moins grand que mon nom ! — Que ne puis-je oublier ce que j’ai été, — ou ne plus me rappeler ce que je devrais être aujourd’hui ! — Tu te soulèves, cœur altier ? Libre à toi de battre, — puisque nos ennemis sont libres de nous battre !

aumerle.

— Northumberland revient de la part de Bolingbroke.

richard.

— Que faut-il que le roi fasse à présent ? Faut-il qu’il se soumette ? — Le roi le fera. Faut-il qu’il soit déposé ? — Le roi s’y résignera. Faut-il qu’il perde — le nom de roi ? Au nom de Dieu, qu’on le lui ôte ! — Je donnerai mes joyaux pour un chapelet, — mon splendide palais pour un ermitage, — mon éclatant appareil pour la robe d’un mendiant, — mes gobelets ciselés pour un plat de bois, — mon sceptre pour un bâton de pèlerin, — mes sujets pour une paire de saints sculptés, — et mon vaste royaume pour un petit tombeau, — un petit, petit tombeau, un obscur tombeau ! — Je consens même à être enterré sur la route royale, — sur la route la plus fréquentée, pour que les pieds de mes sujets — puissent à toute heure fouler la tête de leur souverain. — Vivant, ils marchent bien sur mon cœur : — une fois enterré, pourquoi pas sur ma tête ?… — Aumerle, tu pleures ! mon tendre cousin ! — Eh bien, nous verserons l’orage de ces larmes méprisées ; — et, mêlées à nos soupirs, elles coucheront les blés de l’été, — et feront la famine sur cette terre révoltée. — Ou bien, si tu veux, nous nous ferons un jeu de nos chagrins, — et nous emploierons nos larmes à quelque gracieuse gageure ! — Par exemple, nous les laisserons tomber toujours au même endroit, — jusqu’à ce qu’elles aient excavé dans la terre — deux fosses où nous serons ensevelis avec cette inscription :