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TIMON D'ATHÈNES.

apemantus.

— Ici l’or ne sert à rien.

timon.

Il n’en est que meilleur et plus pur : — car ici il sommeille, et ne soudoie pas le mal.

apemantus.

— Où couches-tu la nuit, Timon ?

timon.

Sous ce qui est au-dessus de moi. — Où te nourris-tu le jour, Apemantus ?

apemantus.

Là où mon estomac trouve ses aliments, ou plutôt là où je les mange.

timon.

Que le poison n’est-il obéissant et ne connaît-il mon désir !

apemantus.

Où l’enverrais-tu ?

timon.

Assaisonner tes plats.

apemantus.

Tu n’as pas connu le juste milieu de la vie, mais les deux extrêmes opposés. Quand tu étais dans tes dorures et tes parfums, tu faisais rire de toi par ton excessive délicatesse ; tu l’as perdue sous ta guenille, et tu te fais mépriser par l’excès contraire. Voici un limon pour toi, mange-le.

timon.

Je ne me nourris pas de ce que je déteste.

apemantus.

Est-ce que tu détestes le limon ?

timon.

Oui, le limon que tu offres : c’est de la fange.

apemantus.

Si tu avais détesté davantage le limon de la flatterie, tu