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SCÈNE XII.

le prévôt.

Un Bohémien de naissance, mais nourri et élevé ici ; voilà neuf ans qu’il vieillit en prison.

le duc.

Comment se fait-il que le duc absent ne l’ait pas rendu à la liberté ou livré à l’exécuteur ? J’ai ouï dire que c’était toujours sa manière de procéder.

le prévôt.

Ses amis ont obtenu pour lui de continuels sursis. Et, en vérité, ce n’est que récemment, sous le gouvernement du seigneur Angelo, que son fait a été prouvé d’une manière indubitable.

le duc.

Est-il avéré maintenant ?

le prévôt.

Tout à fait évident, et lui-même ne le nie pas.

le duc.

A-t-il témoigné du repentir en prison ? À quel point semble-t-il touché ?

le prévôt.

C’est un homme qui ne redoute pas plus la mort que le sommeil de l’ivresse ; indifférent, indolent et insouciant du passé, du présent ou de l’avenir ; insensible à sa mortalité et désespérément mortel.

le duc.

Il a besoin de conseils.

le prévôt.

Il n’en veut écouter aucun : il a toujours eu la libre pratique de la prison. On lui donnerait permission de s’échapper d’ici, qu’il ne le voudrait pas. Il est ivre plusieurs rois par jour, s’il ne l’est pas plusieurs jours durant. Nous l’avons bien souvent éveillé, comme pour le mener à l’exécution, et nous lui avons montré un mandat simulé : cela ne l’a pas ému du tout.