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SCÈNE VIII.
de nos volontés. — Si vous avez vu en nous tant de ridicules, — c’est que l’amour est plein de caprices extravagants, — espiègle comme un enfant, sautillant et frivole, — engendré par le regard, et par conséquent, comme le regard, — plein de formes, d’apparitions et d’images étranges, — variant ses visions comme l’œil promène — son regard, d’objet en objet. — Si, sous ces dehors bigarrés dont l’amour fantasque nous a revêtus, nous avons, devant vos yeux célestes, — compromis notre foi et notre gravité, — ce sont ces yeux célestes, témoins de nos fautes, — qui nous ont engagés à les commettre. Ainsi, mesdames, — notre amour étant de votre fait, les écarts causés par l’amour — sont également de votre fait. Traîtres envers nous-mêmes, — nous n’avons été traîtres qu’afin d’être pour toujours fidèles — à celles qui nous font à la fois fidèles et traîtres, c’est-à-dire à vous, mesdames ! — Et cette trahison, qui est péché en elle-même, — s’épure ainsi elle-même et devient vertu.
LA PRINCESSE.

— Nous avons reçu vos lettres, pleines d’amour, — vos cadeaux, ambassadeurs d’amour ; — et dans notre Conseil virginal, nous n’y avions vu — que galanteries, aimables plaisanteries, courtoisies — de clinquant destinées à parer le temps. — Nous n’y avions pas, pour notre part, — attaché plus d’importance, et voilà pourquoi nous avons accueilli votre amour, — selon ses allures, comme un badinage.

DU MAINE.

— Nos lettres, madame, montraient mieux qu’une plaisanterie.

LONGUEVILLE.

— Et nos regards aussi.