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PEINES D'AMOUR PERDUES.
superflue — qui cachait le plus laid et montrait le plus beau visage !
LE ROI.

— Nous sommes reconnus : elles vont rudement se moquer de nous.

DU MAINE.

— Confessons tout et tournons la chose en plaisanterie.

LA PRINCESSE, au roi.

— Vous semblez consterné, monseigneur ! Pourquoi Votre Altesse a-t-elle cet air confus ?

ROSALINE.

— Au secours ! tenez lui le front ! il va s’évanouir ! Pourquoi pâlissez-vous ainsi ? — Le mal de mer, je pense !… quand on vient de Moscovie !

BIRON.

— Quand les étoiles déversent ainsi leurs fléaux sur nos parjures, — quelle tête d’airain pourrait y résister ? — Me voici, ma dame ; déchaîne ta verve contre moi ; — écrase-moi d’ironies, accable-moi de sarcasmes ; — passe mon ignorance au fil de ton esprit ; hache-moi de tes traits les plus aigus ; — va, je ne me risquerai plus à t’inviter à la danse, ou à me présenter sous l’habit russe. — Oh ! je ne me fierai plus jamais aux harangues écrites — ni aux mouvements de langue d’un écolier ; je ne m’offrirai plus sous le masque à ma mie ; — je ne mettrai plus l’amour en rimes comme la chanson d’un ménétrier aveugle. — Phrases de taffetas, termes précieusement soyeux, — hyperboles à trois poils, affectations raffinées, — figures pédantesques, toutes ces mouches qui me piquaient — m’ont boursoufflé de leurs malsaines ampoules. — Je les honnis pour jamais ; et, j’en jure — par ce gant blanc (Dieu sait combien plus blanche est la main !) — désormais les sentiments de mon cœur seront