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SCÈNE VI.

BIRON, à part.

— Voyons encore une fois comment l’amour varie ses formules.

DU MAINE, lisant.

Un jour (hélas ! jour funeste !)
L’Amour, dont le mois est un mai éternel,
Découvrit une fleur ravissante
Se jouant dans l’air voluptueux :
Entre ses pétales veloutées la brise,
Invisible, se frayait un passage ;
Si bien que l’amoureux, malade à mourir,
Se prit à envier cette haleine du ciel.
Brise, dit-il, tu peux t’épancher à plein souffle ;
Brise, que ne puis-je triompher comme toi !
Mais, hélas ! ma main a juré, Ô rose,
De ne jamais te cueillir à ton épine !
Serment, hélas ! bien dur pour la jeunesse
Qui aime tant à cueillir les senteurs !
Ne m’accuse pas d’un péché
Si je me parjure pour toi,
Toi près de qui Jupiter jurerait
Que Junon n’est qu’une Éthiopienne,
Toi pour qui, voulant se faire mortel,
Il nierait être Jupiter !

— Je vais envoyer ceci, avec quelque chose de plus clair, — pour exprimer la douleur sincère de mon famélique amour ! — Oh ! plût au ciel que le roi, Biron et Longueville — fussent amoureux aussi ! Leur faute, servant d’exemple à ma faute, — effacerait de mon front le stigmate du parjure. — Nul, en effet, n’a tort quand tous radotent.

LONGUEVILLE, avançant sur la scène.

— Du Maine, ton amour n’est guère charitable — de souhaiter des compagnons de douleurs ; — tu peux pâlir à ton aise, mais moi je rougirais — d’avoir été entendu et surpris dans une pareille défaillance.