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LES COMÉDIES DE L’AMOUR.

amusant où la bonne renommée du capitaine Paroles s’évanouit dans les éclats de rire et dans les huées. Paroles est un chevalier d’industrie qui a escroqué la confiance et l’estime par la flatterie et la vantardise. Ce même Bertrand qui n’a pour Hélène que de la haine accorde à Paroles toute sa faveur. Le poëte a démasqué impitoyablement ce fanfaron d’honneur, ce Tartufe de vaillance, et l’a voué au mépris public par une mystification des plus bouffonnes. La dégradation de Paroles confirme sous une forme merveilleusement comique la leçon donnée presque tragiquement par l’élévation d’Hélène. Au faux mérite, la disgrâce ; au vrai, la réhabilitation et le triomphe. Ainsi le veut la providence shakespearienne.

Jugé au point de vue philosophique où l’auteur lui-même s’est placé, Tout est bien qui finit bien n’est plus une légende, c’est un symbole. Le comte de Roussillon, personnage mixte, croisé de chevalerie et de duplicité, généreuse nature faussée par une éducation détestable, représente l’oligarchie des privilégiés ; Hélène, type achevé de grâce, de constance et de vertu, incarne la caste laborieuse des déshérités. Reléguée par sa naissance dans les rangs infimes, elle engage une lutte désespérée avec les préjugés qui l’accablent ; elle concentre en elle toutes les forces vives de l’intelligence et du cœur, appelle à son aide la science et la foi, traverse toutes les épreuves, subit toutes les humiliations et enfin, au moment où la victoire semble perdue, s’élève par l’héroïsme de l’amour jusqu’au lumineux sommet du plateau social. Hélène alors nous apparaît transformée : ce n’est plus une femme, c’est la figure radieuse du peuple étreignant dans l’embrassement de l’union définitive l’aristocratie pardonnée.