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INTRODUCTION.

revendiquant l’omnipotence impériale, devient révolutionnaire et niveleuse : elle prétend rendre toutes les classes égales au-dessous d’elle, et, pour cela, tend la main au peuple qu’elle élève au niveau de la noblesse. L’aristocratie militaire, invoquant ses antiques priviléges et forte de son indépendance immémoriale, s’oppose d’abord à l’empiétement et repousse la mésalliance. À la royauté demandant : Qui t’a fait comte ? elle répond d’abord comme Aldebert à Hugues : Qui t’a fait roi ? Mais la monarchie est la plus forte : elle ne parlemente plus, elle menace. Elle ne raisonne plus, elle commande. Gare la Bastille ! Gare la Tour de Londres ! Et l’aristocratie terrifiée obéit. Elle donne son consentement, mais seulement du bout des lèvres, et se mésallie au peuple, la rage dans le cœur.

— Ô mon Paroles, dit Bertrand à son confident, ils m’ont marié ! Jamais je n’admettrai cette femme dans mon lit. Je la renverrai chez moi. J’informerai ma mère de mon aversion pour elle et de la cause de ma fuite. J’écrirai au roi ce que je n’ai pas osé lui dire. Je pars pour la guerre de Toscane. La guerre, c’est le calme à côté du sombre intérieur que nous fait une femme détestée.

Voilà donc le prix qu’Hélène a obtenu de son immense amour. Bertrand la déteste ; Bertrand n’a que de l’aversion pour elle ; Bertrand la repousse de son lit. Hélène est veuve avant même d’avoir été épouse. Le comte lui a signifié ironiquement son divorce éternel ; il permet à Hélène de l’appeler son mari à deux conditions : la première, c’est qu’elle ait obtenu de lui l’anneau héréditaire dont il ne se défera jamais ; la seconde, c’est qu’elle lui montre un enfant né de ses entrailles et dont il sera le père ! Ainsi Bertrand ajoute le sarcasme à l’offense. Pour faire sa paix avec Hélène, il propose comme préliminaires, quoi ? l’impossible.