Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN.
langue du corbeau, n’importe quel croassement, fera l’affaire. Quant à vous, l’interprète, il faut que vous ayez l’air d’un vrai diplomate. Mais, ventre à terre ! le voici qui revient pour tuer deux heures de temps à dormir, et retourner ensuite jurer les mensonges qu’il aura forgés.
Entre Paroles.
PAROLES.

Dix heures ! Dans trois heures il sera temps de rentrer. Qu’est-ce que je dirai que j’ai fait ? Il faut que ce soit une invention très-plausible qui emporte la conviction. Ils commencent à me flairer, et les affronts ont depuis peu frappé trop souvent à ma porte. Décidément ma langue est d’une hardiesse folle ; mais mon cœur, ayant toujours présente devant lui la crainte de Mars et de ses enfants, n’ose pas soutenir les prétentions de ma langue.

PREMIER SEIGNEUR, à part.

Voilà la première vérité dont ta langue ait jamais été coupable.

PAROLES.

Qui diable m’a poussé à entreprendre le recouvrement de ce tambour, n’ignorent pas l’impossibilité de la chose et sachant que je n’en avais pas l’intention ? Il faut que je me fasse moi-même quelques blessures et que je dise que je les ai reçues dans l’action… Mais de légères ne suffiront pas. Ils me diront : « Quoi ! vous en êtes quitte pour si peu ! » Et je n’ose pas m’en faire de grandes. Alors à quoi bon ? où sera la preuve ?… Langue, il faudra que je vous mette dans la bouche d’une harengère, et que j’en achète une de l’un des muets de Bajazet, si vous m’empêtrez encore dans de pareils périls.