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SCÈNE III.

CLÉOPÂTRE.

— Je voudrais avoir ta taille ; tu apprendrais — qu’il y a un cœur en Égypte.

ANTOINE.

Reine, écoutez-moi : — l’impérieuse nécessité des temps réclame — momentanément nos services ; mais mon cœur tout entier — reste en servitude avec vous. Notre Italie — étincelle d’estocades civiles : Sextus Pompée — approche des portes de Rome. — L’égalité des deux partis domestiques — produit l’exigence des factions. Les plus haïs, accrus en forces, — croissent en sympathies : le condamné Pompée, — riche de la gloire de son père, s’insinue rapidement — dans les cœurs de ceux qui n’ont rien gagné — au présent état de choses. Leur nombre devient menaçant ; — et leur calme, écœuré d’inaction, voudrait se purger — par quelque changement désespéré. Ma raison personnelle, — celle qui doit le mieux vous rassurer sur mon départ, — c’est la mort de Fulvie.

CLÉOPÂTRE.

— Bien que l’âge n’ait pu me préserver de la folie, — il me préserve de la puérilité… Est-ce que Fulvie peut mourir ?

ANTOINE.

— Elle est morte, ma reine…

Lui remettant un papier.

— Jette les yeux sur ceci, et, à ton loisir souverain, tu liras — les désordres qu’elle a suscités ; sa fin est ce qu’elle a fait de mieux. — Tu verras où et quand elle est morte.

CLÉOPÂTRE.

Ô le plus faux des amants ! — Où sont donc les fioles sacrées que tu devrais remplir — de larmes de douleur ?