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APPENDICE.

Et ces propos achevés elle rendit l’esprit.

Pendant que ces choses se passaient, les gardes de la ville passaient fortuitement par là auprès, lesquels, avisant la clarté en ce tombeau, soupçonnèrent incontinent que c’étaient nécromanciens qui avaient ouvert ce sépulcre pour abuser des corps morts et s’en aider en leur art. Et curieux de savoir ce qui en était, entrèrent au cercueil où ils trouvèrent Rhoméo et Juliette, ayant les bras lacés au col l’un de l’autre, comme s’il eût resté quelque marque de vie. Et après les avoir bien regardés à loisir, connurent ce qui en était ; et lors tout étonnés cherchèrent tant çà et là, pour surprendre ceux qu’ils pensaient avoir fait le meurtre, qu’ils trouvèrent enfin le beau père frère Laurens et Pierre, serviteur du défunt Rhoméo, qui s’étaient cachés sous une stalle, lesquels ils menèrent aux prisons, et avertirent le seigneur de l’Escale et les magistrats de Vérone de l’inconvénient survenu, lequel fut publié en un instant par toute la cité. Vous eussiez vu lors tous les citoyens avec leurs femmes et enfants abandonner leurs maisons pour assister à ce piteux spectacle. Et afin qu’en présence de tous les citoyens le meurtre fût publié, les magistrats ordonnèrent que les deux corps morts fussent érigés sur un théâtre, à la vue de tout le monde en la forme qu’ils étaient quand ils furent trouvés au sépulcre, et que Pierre et frère Laurens seraient publiquement interrogés afin qu’auparaprès on ne pût murmurer ou prétendre aucune cause d’ignorance. Et ce bon vieillard de frère, étant sur le théâtre, ayant sa barbe blanche toute baignée de grosses larmes, les juges lui commandèrent qu’il eût à déclarer ceux qui étaient auteurs de ce meurtre, attendu qu’à heure indue il avait été appréhendé avec quelques ferrements près le sépulcre. Frère Laurens, homme rond et libre en parole, sans s’émou-