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TROISIÈME HISTOIRE TRAGIQUE.

rens, étonné outre mesure, craignant qu’elle n’exécutât ce qu’elle avait délibéré, lui dit :

— Madamoiselle Juliette, je vous prie, au nom de Dieu, modérez quelque peu votre ennui et vous tenez coie en ce lieu jusqu’à ce que j’ai pourvu à votre affaire : car avant que vous partiez de céans, je vous donnerai telle consolation et remédierai si bien à vos afflictions que vous demeurerez satisfaite et contente.

Et l’ayant laissée en cette bonne opinion, sort de l’église et monte subitement en sa chambre, où il commença à projeter diverses choses en son esprit, se sentant sollicité en sa conscience de ne souffrir qu’elle épousât le comte Pâris, sachant que par son moyen elle en avait épousé un autre ; sentant ores son entreprise difficile, et encore plus périlleuse l’exécution, d’autant qu’il se commettait à la miséricorde d’une jeune simple damoiselle peu accorte, et que, si elle défaillait en quelque chose, tout leur serait divulgué, lui diffamé, et Rhoméo son époux puni. Néanmoins, après avoir été agité d’une infinité de divers pensements, fut enfin vaincu de pitié et avisa qu’il aimait mieux son honneur que de souffrir l’adultère de Pâris avec Juliette. Et, étant résolu en ceci, ouvrit son cabinet et prit une fiole, et s’en retourna vers Juliette, laquelle il trouva quasi transie, attendant nouvelles de sa mort ou de sa vie, à laquelle le bon père demanda :

— Juliette, quand est-ce l’assignation de vos noces ?

— La première assignation, dit-elle, est à mercredi qui est le jour ordonné pour recevoir mon consentement au mariage accordé par mon père au comte Pâris, mais la solennité des noces ne se doit célébrer que le dixième jour de septembre.

— Ma fille, dit le religieux, prends courage, le Seigneur m’a ouvert un chemin pour te délivrer, toi et