Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 7.djvu/443

Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
TROISIÈME HISTOIRE TRAGIQUE.

lui fit entendre ce qui avait été déterminé entre frère Laurens et lui. À laquelle Rhoméo fit réponse comme, le premier jour qu’il avait informé frère Laurens de son affaire, il avait différé jusques au jour subséquent qui était ce même jour, et qu’à peine y avait une heure qu’il en était retourné pour la seconde fois, et que frère Laurens et lui avaient avisé que le samedi suivant elle demanderait congé à sa mère d’aller à confesse, et se trouverait en l’église de Saint-François, en certaine chapelle en laquelle secrètement les épouserait, et qu’elle ne faillît à se trouver[1].

Ce qu’elle sut si bien conduire et avec telle discrétion, que sa mère lui accorda sa requête, et, accompagnée seulement de la bonne vieille et d’une jeune damoiselle[2], se trouva au jour déterminé ; et, sitôt qu’elle fut entrée en l’église, elle fit appeler le bon docteur frère Laurens, à laquelle on fit réponse qu’il était au confessionaire, et qu’on l’allait avertir de sa venue. Sitôt que frère Laurens fut averti de la venue de Juliette, il entra au grand corps de l’église, et dit à la bonne vieille et à la jeune damoiselle qu’elles allassent ouïr la messe, et qu’il les ferait appeler, dès qu’il eût fait avec Juliette : laquelle entrée en la cellule avec frère Laurens, ferma la porte sur eux, comme il avait de coutume, même qu’il y avait près d’une heure que Rhoméo et lui étaient ensemble enfermés. Auxquels frère Laurens, après les avoir ouïs en confession, il dit à Juliette : « Ma fille, selon que Rhoméo (que

  1. Boisteau a modifié le plan indiqué par l’auteur de la légende originale. Dans la nouvelle de Bandello, les deux amants ont, avant leur mariage, une entrevue nocturne dans la chambre de Juliette, et c’est là qu’ils conviennent de leur stratagème pour accomplir leur union clandestine. Le traducteur a supprimé cet incident et établi, par l’intermédiaire de la nourrice, l’entente entre les jeunes gens.
  2. Dans la légende italienne, Juliette se rend à confesse, accompagnée de sa mère, donna Giovanna, et de deux autres femmes.