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OTHELLO.
tille ; c’est quelque chose, ce n’est rien : — elle était à moi, elle est à lui, elle a été possédée par mille autres ; — mais celui qui me filoute ma bonne renommée — me dérobe ce qui ne l’enrichit pas — et me fait pauvre vraiment.
OTHELLO.

— Par le ciel ! je veux connaître ta pensée.

IAGO.

— Vous ne le pourriez pas, quand mon cœur serait dans votre main ; — et vous n’y parviendrez pas, tant qu’il sera en mon pouvoir.

OTHELLO.

— Ah !

IAGO.

Oh ! prenez garde, monseigneur, à la jalousie ! — C’est le monstre aux yeux verts qui produit — l’aliment dont il se nourrit ! Ce cocu vit en joie — qui, certain de son sort, n’aime pas celle qui le trompe : — mais, oh ! quelles damnées minutes il compte — celui qui raffole, mais doute, celui qui soupçonne, mais aime éperdument !

OTHELLO.

Ô misère !

IAGO.

— Le pauvre qui est content est riche, et riche à foison : — mais la richesse sans bornes est plus pauvre que l’hiver — pour celui qui craint toujours de devenir pauvre. — Cieux cléments, préservez de la jalousie les âmes — de toute ma tribu !

OTHELLO.

Allons ! à quel propos ceci ? — Crois-tu que j’irais me faire une vie de jalousie, — pour suivre incessamment tous les changements de lune — à la remorque de nouveaux soupçons ? Non ! pour moi, être dans le doute, —