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CYMBELINE.

CYMBELINE.

Qu’on l’emmène ; — le monde entier ne le sauverait pas.

BÉLARIUS.

Pas tant d’emportement ! — Paye-moi d’abord la nourriture de tes fils ; — et que tout soit confisqué, aussitôt — que je l’aurai reçu.

CYMBELINE.

La nourriture de mes fils ?

BÉLARIUS, s’agenouillant.

— Je suis trop brusque et trop osé. Me voici à genoux. — Avant de me relever, je veux grandir mes fils ; — ensuite, qu’on n’épargne plus le vieux père !… Puissant, seigneur, — ces deux jeunes gens qui m’appellent leur père, — et croient être mes fils, ne me sont rien : ils — sont issus de vos reins, mon roi, — et nés de votre sang.

CYMBELINE.

Issus de moi, dis-tu ?

BÉLARIUS.

— Aussi vrai que vous l’êtes de votre père. Moi, le vieux Morgan, — je suis ce Bélarius que vous bannîtes jadis. — Votre bon plaisir fut mon crime unique, mon châtiment, — toute ma trahison : le mal que j’ai souffert — a été tout le mal que j’ai causé. Quant à ces nobles princes — (car tel est leur titre et telle est leur nature), c’est moi qui depuis vingt ans — les ai élevés : ils savent tous les arts que j’ai — pu leur apprendre ; et ce que vaut mon éducation, seigneur, — votre altesse le sait. Leur nourrice, Euriphile, — que j’ai épousée depuis pour son larcin, enleva ces enfants, — après mon bannissement. C’est moi qui la décidai, — ayant reçu d’avance un châtiment — pour ce que je fis alors. Ma loyauté punie — m’entraîna à cette trahison. Plus une perte si chère — vous était sensible, plus il convenait —