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LES JALOUX.

La vielle, k’ainc ne s’em perchut ;
Euriant onques mot n’en sot.
Quand li rois ot oi cel mot,
Si dist : « Onques de trahitour
N’oï bien dire au chief de tour.
Or, vous rendrai vostre loier.
Tout erramment le fait lier
A la keue d’un fort ronchin,
Trahiner le fait ou chemin ;
Puis l’ont à .j. arbre pendu.

À Lisiart la corde ! à Gondrée la chaudière bouillante ! Ainsi le veut le terrible code pénal de l’époque :

Gérars qui plus n’a atendu
Envoie à Nevers pour Gondrée,
Plainne caudière de cendrée
A fait metre dessour .j. feu.
La vieille dedans mise fu.

Tel est l’impitoyable dénoûment de ce roman de la Violette que, dans les première années du treizième siècle, le ménétrier Gilbert de Montreuil dédia à madame Marie, comtesse de Ponthieu, nièce du roi très-chrétien Philippe-Auguste. Cette épopée chevaleresque eut un succès considérable qui dut vite provoquer les plagiats. Presque en même temps que le Roman de la Violette, fut publié, sous l’anonyme, le Roman du comte de Poitiers, qui racontait la même fable et les mêmes incidents en se bornant à changer les noms de personnages. Je passerai sous silence cette infime contrefaçon pour signaler au lecteur une des productions les plus exquises du moyen âge, une œuvre qui, bien qu’inspirée par le Roman de la Violette, est vraiment originale, un conte plein de grâce naïve conté par quelque Lafontaine inconnu du treizième siècle, le Roman de la belle Jehanne. Écoutez un peu :

Il était une fois en la marche de Flandre et de Hainau, un chevalier fort riche qui avait une fille appelée Jehanne.