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SCÈNE III.
la fortune contraire, — que l’affinage, muni de son crible vaste et puissant, — soufflant sur tout le minerai, en chasse l’alliage léger ; — et ce qui a de la consistance ou du poids reste — seul, dans toute la richesse de sa valeur sans mélange.
NESTOR.

— Avec tout le respect dû à ton siége divin, — permets, grand Agamemnon, que Nestor développe — tes dernières paroles. C’est quand il est prouvé du sort — que l’homme est vraiment éprouvé. Tant que la mer est calme, combien de chétifs bateaux osent naviguer — sur son sein patient et faire route — avec ceux du plus haut bord ? — Mais que le brutal Borée mette une fois en rage — la douce Thétis, et alors voyez — le vaisseau aux flancs robustes fendre les montagnes liquides, — et bondir entre les deux humides éléments, — comme le cheval de Persée ! Où est alors l’impudent bateau — dont les flancs faibles et mal charpentés, osaient naguère — rivaliser avec la vraie grandeur ! Ou il a fui dans le port, — ou Neptune n’en a fait qu’un toast. C’est ainsi — que la valeur d’apparat et la valeur réelle se distinguent — dans les orages de la fortune. Car, quand celle-ci brille de tous ses rayons, — le troupeau est plus tourmenté par le taon — que par le tigre ; mais si un ouragan soudain fait fléchir les genoux des chênes noueux — et fuir sous l’ombre des mouches, alors, l’être courageux, — comme inspiré par la tempête, sympathise avec elle, — et répond, par des accents d’une égale hauteur, — à la fortune furieuse.

ULYSSE.

Agamemnon ! — notre grand chef, toi, le nerf et l’os de la Grèce, — le cœur, l’âme et l’esprit unique de nos nombres, — toi en qui les tempéraments et les pensées de tous — doivent s’absorber, écoute ce que dit Ulysse.