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INTRODUCTION.

C’est à Londres même, pendant la jeunesse du grand William, qu’un écrivain, alors beaucoup plus célèbre que lui, Maître Robert Greene, avait publié chez le libraire Thomas Cadman, à l’enseigne de la Bible, une nouvelle intitulée : Pandosto ou le Triomphe du temps[1] Cette nouvelle eut un succès considérable ; constamment réimprimée durant les règnes d’Élisabeth et de Jacques Ier, elle en était au moins à sa onzième édition, en 1609, vers l’époque où probablement Shakespeare donna sa pièce au théâtre.

Dans cet opuscule de soixante pages, le romancier raconte, avec une naïveté qui n’exclut pas une certaine grâce, comme quoi un certain roi de Bohême, Pandosto, nouvellement marié à Bellaria, fille de l’empereur de Russie, avait reçu la visite d’un sien camarade d’enfance, Egistus, roi de Sicile. En ce temps-là, les communications entre la Sicile et la Bohême étaient toutes différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui ; la Bohême, au lieu d’être comme à présent enclavée dans de hautes montagnes, était, à ce qu’il paraît, une contrée maritime dont la côte était abordable pour les navires du plus haut bord. C’est, du moins, ce qu’affirme Robert Greene, maître ès-arts de l’université de Cambridge ; et, si l’affirmation n’est pas exacte, c’est à Greene que la critique doit s’en prendre, et non pas à Shakespeare qui, dans le Conte d’hiver, n’a fait que suivre la carte géographique tracée par son devancier.

Malgré qu’en aient les érudits, c’est donc par mer que le roi de Sicile s’était rendu dans les États de Pandosto. La réception avait été des plus cordiales ; et, à la requête de son seigneur et maître, Bellaria accablait le nouveau venu d’attentions et de prévenances. Chaque fois que le

  1. Voir, à l’Appendice, les extraits que j’en ai traduits.