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vint dans la salle du Conseil, tout changé ; la physionomie pleine d’aigreur et de colère, les sourcils froncés, le front rembruni, se mordant les lèvres, farouche, il se remit à sa place. Tous les lords étaient épouvantés, et cruellement surpris de ces façons et de ce changement soudains, ne sachant ce que le Protecteur pouvait avoir. Quelque temps après s’être assis, il rompit le silence par ces mots : — De quoi sont-ils dignes, ceux qui méditent et imaginent de me détruire, moi, le parent si proche du roi et le protecteur de son royaume ? À cette demande, les lords restèrent stupéfaits sur leurs siéges, tous se demandant à qui s’adressait une question contre laquelle chacun se croyait garanti.

» Enfin lord Hastings, se croyant autorisé par la familiarité qui existait entre le Protecteur et lui, prit la liberté de répondre que ceux-là, quels qu’ils fussent, étaient dignes de la peine des traîtres ; tous les autres firent la même affirmation. — Eh bien, repartit le Protecteur, les coupables, c’est cette sorcière de là-bas, la femme de mon frère, et l’autre avec elle. Il voulait parler de la reine. À ces mots, un grand nombre de lords qui étaient du parti de celle-ci furent cruellement interdits ; mais lord Hastings aimait mieux, au fond de son cœur, que la chose tombât sur la reine que sur quelqu’un de ses amis. Il était seulement contrarié de n’avoir pas été consulté sur ce sujet, comme il l’avait été sur l’enlèvement et l’exécution des parents de la reine. — Voyez, continua le Protecteur, comme cette sorcière, aidée de la femme de Shore et de ses complices, a ruiné mon corps. Et aussitôt, retroussant la manche de son pourpoint, il découvrit jusqu’au coude son bras gauche tout desséché et tout grêle. À cette vue, l’incrédulité s’empara des assistants : tous comprirent que ce n’était là qu’un faux prétexte pour une querelle, sachant bien que la reine était