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SCÈNE VI.

LA FILLE.

— Pourquoi donc vous tordez-vous les mains et vous battez-vous la poitrine, — et criez-vous : « Ô Clarence, mon malheureux fils ! »

LE FILS.

— Pourquoi nous regardez-vous, et secouez-vous la tête, — et nous appelez-vous orphelins, pauvres petits abandonnés, — si notre père est toujours en vie ?

LA DUCHESSE.

— Mes jolis cousins, vous vous trompez tous les deux ; — ce qui m’afflige, c’est la maladie du roi, — que j’ai bien peur de perdre, et non la mort de votre père. — Ce serait du chagrin perdu de pleurer un être perdu.

LE FILS.

— Vous avouez donc, grand’mère, qu’il est mort ? — Oh ! c’est la faute du roi mon oncle : — Dieu le punira ; je vais faire — des prières bien sérieuses à cet effet.

LA FILLE.

— Et moi aussi.

LA DUCHESSE.

— Paix, enfants, paix ! Le roi vous aime : — naïfs et simples, innocents que vous êtes, — vous ne pouvez pas deviner qui a causé la mort de votre père.

LE FILS.

— Si, grand’mère : car mon bon oncle Glocester — m’a dit que le roi, provoqué par la reine, — avait inventé des calomnies pour le mettre en prison ; — et, quand mon oncle a dit ça, il a pleuré, — et il m’a beaucoup plaint, et il m’a baisé tendrement sur la joue ; — il m’a dit de compter sur lui comme sur mon père, — et qu’il m’aimerait autant que son enfant.

LA DUCHESSE.

— Ah ! se peut-il que la perfidie dérobe de si douces formes — et cache un vice profond sous un masque si