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traité solennel, consent à occuper le royaume d’Angleterre comme un fief du saint-siége. Ainsi il réalise fatalement la prophétie de l’ermite : pour ne pas être détrôné par Philippe-Auguste, il abdique entre les mains d’Innocent III. — Quoiqu’il eût si bien prédit, Pierre de Pomfret n’en fut pas moins pendu : Jean le fit tirer de la prison de Corfe et mener à la potence. « D’aucuns ont pensé qu’il avait été injustement mis à mort, parce que la chose arriva comme il l’avait annoncé, le roi ayant cédé au pape la souveraineté de son royaume et ayant cessé réellement d’être roi absolu[1]. »

Innocent III, on le voit, n’a pas de scrupule, tout vicaire du Christ qu’il est. Il avait donné à Philippe-Auguste la royauté d’Angleterre ; mais maintenant que Jean la lui repasse, il veut la garder pour lui-même. Tout à l’heure, il contestait à Jean le droit de porter la couronne ; maintenant, il lui reconnaît le pouvoir d’en disposer. Qu’importent au pape ces contradictions sans vergogne ? Tant que Jean lui résistait, il l’excommuniait ; maintenant que Jean se soumet, il le protége : et, pour commencer, il fait défendre à Philippe-Auguste d’attaquer le vassal de l’Église.

Philippe-Auguste ne tient aucun compte de cette défense. À l’anathème du pape, il répond par la victoire de Bouvines. Alors les barons anglais, las de la tyrannie, se révoltent, déclarent Jean déchu et offrent le trône au fils du vainqueur. Appelé par eux, le prince Louis de France fait son entrée triomphale dans Londres, le 30 mai 1216. De son côté, Jean n’ayant plus autour de lui que des troupes mercenaires, se retranche dans la forteresse de Boston comme jadis Macbeth dans le château de Dun-

  1. Holinshed.