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LE ROI JEAN.
furieux, — au lieu de le verser ainsi dans une lutte fratricide !
Il fond en larmes.
LOUIS.

— Tu montres en ceci un noble caractère ; — et les grands sentiments qui se soulèvent dans ton sein — en font un cratère de noblesse. — Oh ! quel généreux combat tu as soutenu — entre la nécessité et ces beaux scrupules ! — Laisse-moi essuyer cette rosée de l’honneur — qui se répand argentée sur tes joues. — Mon cœur s’est attendri aux pleurs d’une femme, — qui ne sont qu’un débordement vulgaire ; — mais cette effusion de larmes viriles, — cette averse que soulève la tempête de l’âme, — éblouit mes regards et me rend plus stupéfait — que si j’avais vu la voûte des cieux — se sillonner partout de brûlants météores. — Relève ton front, illustre Salisbury, — et exhale tout cet orage dans un soupir de ce grand cœur ; — laisse ces larmes aux yeux enfants de ceux — qui n’ont jamais vu le monde géant enragé — et qui n’ont affronté la fortune que dans les fêtes — animées par la volupté, la joie et la causerie. — Viens, viens, tu enfonceras ta main — dans la bourse de la riche prospérité — aussi avant que Louis lui-même… Et vous aussi, nobles, — vous tous qui unissez à nos forces le nerf des vôtres… — Il m’a semblé à l’instant qu’un ange parlait, — et voyez ! voici justement le saint légat qui arrive à grands pas, — pour nous donner de la main d’en haut la garantie du ciel, — et pour mettre le nom du droit sur nos actions — par une parole sacrée.

Entre Pandolphe, suivi d’un cortége.
PANDOLPHE.

— Salut, noble prince de France ! — Voici ce que j’ai à te dire : le roi Jean s’est réconcilié — avec Rome ; son âme