Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
244
LE ROI JEAN.
ment : — Si ce qu’enfin vous possédez en paix vous appartient en droit, — pourquoi alors la crainte, qui, dit-on, suit — les pas du coupable, vous porterait-elle à enfermer — votre tendre parent, et à étouffer ses jours — dans une barbare ignorance, en refusant à sa jeunesse — le riche avantage d’une bonne éducation ? — Afin que vos ennemis du jour n’aient plus ce prétexte — pour embellir les occasions, ayons ceci à répliquer, — que vous nous avez engagés à demander la liberté d’Arthur. — Oui, nous vous la demandons, non pas pour notre bien seulement, — mais parce que notre intérêt, dépendant du vôtre, — considère comme votre intérêt de le mettre en liberté.
LE ROI JEAN.

— Qu’il en soit ainsi ! je confie sa jeunesse à votre direction.

Entre Hubert.
LE ROI JEAN.

Quelles nouvelles avez-vous, Hubert ?

Le roi entraîne Hubert à l’écart et cause à voix basse avec lui.
PEMBROKE, montrant Hubert aux lords.

— C’est là l’homme qui devait faire l’action sanglante ; — il a montré son ordre à un de mes amis ; — l’image d’une perversité odieuse — vit dans son regard ; son aspect mystérieux — révèle l’émotion d’un cœur bien troublé ; — et j’ai grand’peur que la chose, dont nous craignions qu’il ne fût chargé, ne soit faite.

SALISBURY.

— Les couleurs du roi vont et viennent — entre son projet et sa conscience, — comme des hérauts entre deux fronts de bataille menaçants. — Son émotion est si mûre qu’il faut qu’elle crève.

PEMBROKE.

— Et, quand elle crèvera, j’ai peur qu’il n’en sorte, — hideuse suppuration, la mort d’un doux enfant.