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LE ROI JEAN.
sible à la peur, — accablée de tourments, et remplie de peur, — veuve, et sujette à la peur, — femme, et née pour la peur. — Tu auras beau m’avouer maintenant que tu n’as fait que plaisanter ; — mes esprits troublés ne pourront plus m’accorder de trêve, — ils frémiront et trembleront tout le jour. — Qu’as-tu à hocher ainsi la tête ? — Pourquoi jettes-tu ce regard si triste sur mon fils ? — Que veut dire cette main sur ton cœur ? — Pourquoi ton œil retient-il ce larmoiement lamentable — qui déborde comme un ruisseau superbe ? — Est-ce que ces tristes signes confirmeraient tes paroles ? — Répète donc, alors, non pas tout ton premier récit, — mais ce simple mot que ton récit est vrai !
SALISBURY.

— Aussi vrai que vous devez, je crois, trouver faux — ceux qui sont cause que je vous dis vrai !

CONSTANCE.

— Oh ! puisque tu m’enseignes à croire à cette douleur, — enseigne aussi à cette douleur à me faire mourir. — Que cette croyance et ma vie se heurtent, — comme les furies de deux désespérés — qui, au premier choc, tombent et meurent ! — Louis épouse Blanche ! Oh ! mon enfant, alors, où en es-tu ? — La France amie de l’Angleterre ! qu’advient-il de moi ?

À Salisbury.

— L’ami, va-t-en ! Je ne puis endurer ta vue : — cette nouvelle t’a rendu le plus affreux des hommes !

SALISBURY.

— Quel autre mal ai-je fait, bonne dame, — que de vous raconter le mal fait par d’autres ?

CONSTANCE.

— Ce mal est si odieux en lui-même — qu’il rend malfaisants tous ceux qui en parlent.