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Ce Malcolm Cammore était le fils aîné de Duncan. Après l’assassinat de son père, il s’était sauvé en Angleterre et avait trouvé asile chez Édouard le Confesseur, un saint roi « qui, dit la chronique, était inspiré du don de prophétie et avait la faculté de guérir les maladies. » C’est donc à la cour saxonne que Macduff rejoignit Malcolm. Le thane de Fife avait une double mission : venger sa famille et délivrer sa patrie. Il dépeignit au jeune prince les misères de l’Écosse, et le pressa vivement d’y mettre un terme en réclamant la couronne usurpée par Macbeth. Alors eut lieu entre les deux proscrits ce curieux dialogue qu’Holinshed a fidèlement rapporté :

« — Je suis vraiment, dit Malcolm, fort affligé des maux qui accablent mon pays ; mais, bien que je n’aie jamais eu de plus grand désir d’y remédier, je m’en sens complétement incapable, en raison de certains vices incurables qui règnent en moi. D’abord, je suis poursuivi d’une luxure si immodérée, d’une si voluptueuse sensualité (abominable source de tous les vices), que, si j’étais fait roi d’Écosse, je chercherais à perdre toutes vos vierges et toutes vos matrones, et que mon incontinence vous serait plus insupportable que ne vous l’est en ce moment la sanglante tyrannie de Macbeth.

» — C’est là sans doute, répliqua Macduff, un bien funeste défaut, car il a fait perdre la vie et le trône à bon nombre de nobles princes et rois ; néanmoins il y a assez de femmes en Écosse ! Ainsi donc, suis mon conseil : fais-toi roi, et j’arrangerai si secrètement les choses que tes désirs seront satisfaits sans qu’aucun homme en sache rien.

» Alors Malcolm dit : — Je suis la créature la plus avare qu’il y ait sur la terre, à ce point que, si j’étais roi, je tâcherais d’acquérir des terres et des biens par tous les moyens possibles, et que je tuerais la plupart des nobles d’Écosse sur des accusations inventées, dans