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PHILIPPE.

— Angleterre, tu n’as pas sauvé une goutte de sang — de plus que nous, Français, dans cette chaude épreuve ; — tu as perdu plutôt davantage. Je le jure, par ce bras — qui gouverne la contrée que domine ce climat ! — nous ne déposerons pas les armes que la justice nous a fait prendre, — avant que nous t’ayons soumis, toi contre qui nous les prenons, — ou que nous ayons grossi d’un chiffre royal le nombre des morts, — ornant ainsi la liste, qui supputera les pertes de cette guerre, — d’un nom de roi accolé au carnage !

LE BÂTARD.

— Ah ! majesté, comme ta gloire s’exalte ! — Quand le riche sang des rois est en feu, — alors, la mort double d’acier ses mâchoires décharnées ; — elle a pour dents et pour crocs les épées des soldats, — et, dévorant la chair des hommes, elle se repaît — des querelles indécises des rois. — Pourquoi ces fronts augustes restent-ils ainsi ébahis ? — Rois, criez donc : Massacre ! Retournez dans la plaine rougie, — puissants égaux, génies enflammés ! — Que la confusion de l’un assure — la paix de l’autre ! Jusque-là, guerre, sang et mort !

LE ROI JEAN, à Hubert.

— Lequel des deux partis les habitants veulent-ils admettre ?

PHILIPPE.

— Parlez, citoyens, pour l’Angleterre : qui voulez-vous pour roi ?

HUBERT.

— Le roi d’Angleterre, quand nous le connaîtrons.

PHILIPPE.

— Reconnaissez-le en nous, qui soutenons ici ses droits.