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J’ai dit et je répète qu’il ne faut pas confondre l’enchanteur avec le sorcier.

Le sorcier était le serviteur de l’esprit malin ; l’enchanteur avait pour ministre l’esprit de lumière, ange ou fée. Le sorcier invoquait Satan ; l’enchanteur adorait Dieu. Le sorcier abjurait le christianisme, l’enchanteur l’épurait jusqu’au mysticisme. Le sorcier ne voulait que le mal, la ruine du prochain, la satisfaction unique de ses passions ; l’enchanteur voulait le bien de tous, le bonheur et l’immortalité du genre humain. Le sorcier vivait dans la jouissance brutale ; l’enchanteur se consumait dans l’étude à la recherche de ces deux grandes choses : l’élixir de longue vie et la pierre philosophale. La magie noire était un complot, la magie blanche était un art, — art sublime qui revendiquait une origine céleste sous le titre de Théurgie et qui résumait toutes les connaissances humaines : théologie, logique, mathématiques, histoire naturelle, divination, chiromancie, astrologie, alchimie.

La magie blanche était la science des sciences.

« Les enchanteurs, écrivait Reginald Scot au temps de Shakespeare, n’agissent pas sur des sujets inférieurs : ils font sortir les anges du ciel ; ils ressuscitent tous les corps qu’ils veulent, fussent-ils morts, enterrés et pourris depuis longtemps ; ils évoquent toutes les âmes. Ils se chargent aussi de soulever les tempêtes, les tremblements de terre et d’en faire autant que Dieu lui-même. Ce ne sont pas de petits imbéciles, collaborant avec un crapaud ou un chat, comme font les sorcières ; ils ont une sorte de majesté, et c’est avec autorité qu’ils appellent les esprits par leurs noms et qu’ils leur commandent[1]. » Et plus

  1. Scot’s Discoverie of Witchcraft, p. 377.