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où rugissent les monstres libyens, depuis les plus sombres vallons du Groënland sans soleil, jusqu’aux champs dorés où la féconde Angleterre expose au jour ses moissons, tu ne peux pas trouver une place où une cité n’ait existé !

» Que l’orgueil humain est étrange ! Je te dis que les créatures vivantes pour qui le fragile brin d’herbe qui germe le matin et périt avant le soir est un monde illimité, je te dis que les êtres invisibles dont la demeure est la moindre particule de l’impalpable atmosphère, — pensent, sentent et vivent comme l’homme ; que leurs affections et leurs antipathies produisent, comme les siennes, les lois qui gouvernent leur état moral, et que le plus léger battement qui répand dans leur organisme la plus faible, la plus vague émotion, est réglé et nécessaire comme les lois augustes qui dirigent le mouvement de ces globes. »


La Fée s’interrompit. L’Esprit, dans l’extase de l’admiration, sentait revivre toute la science du passé ; les événements des temps antiques et fabuleux, qu’une tradition confuse enseigne sans suite au vulgaire crédule, se révélaient à son regard dans leur juste perspective, n’ayant plus que la confusion de l’infini. L’Esprit semblait se tenir au haut d’un pinacle isolé, ayant au-dessous de lui la marée montante des âges, au-dessus les profondeurs de l’univers sans bornes, et tout autour l’harmonie inaltérable de la nature !

III

« Fée ! dit l’Esprit en fixant ses yeux éthérés sur la Reine des Charmes, je te remercie. Tu m’as donné un privilége que je n’abdiquerai pas et appris une leçon