Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/346

Cette page a été validée par deux contributeurs.

déplacement de l’air, et les accents argentins de sa voix, alors qu’elle parla, étaient de ceux qu’une oreille douée peut seule entendre.

LA FÉE.

« Astres, répandez votre plus salutaire influence ! Éléments, suspendez votre fureur ! Dors, Océan, dans l’enceinte de rocher qui ferme ton domaine ! Que pas un souffle ne remue au sommet couvert d’herbes de la ruine !… Que même le mobile fil de la Vierge repose sur l’air immobile ! Et toi, âme d’Yanthe, toi, seule jugée digne de l’ineffable faveur réservée aux bons et aux sincères, à ceux qui ont combattu et, par une intrépide volonté, triomphé des vanités et des bassesses de la terre, à ceux qui ont brisé les chaînes, les chaînes de glace de l’usage, et qui ont fait rayonner le jour sur leur âge !… âme d’Yanthe ! éveille-toi, lève-toi ! »

Soudain se leva l’âme d’Yanthe ; elle se dressa, toute belle, dans sa pureté nue, parfaite image de sa forme corporelle. Animée d’une beauté et d’une grâce inexprimables, toutes les taches terrestres avaient disparu d’elle. Elle reprenait sa dignité native, et se tenait immortelle au-dessus d’une ruine.

Sur la couche, le corps gisait, enfoui dans les profondeurs de l’assoupissement ; ses traits étaient fixes et sans expression ; pourtant la vie animale était là, et chaque organe remplissait encore ses fonctions naturelles : c’était un spectacle prodigieux de comparer le corps et l’âme. Mêmes linéaments, même configuration. Oh ! pourtant quelle différence ! L’une aspire au ciel, ne palpite que pour son héritage éternel, et, toujours changeant, s’élevait toujours, s’ébat dans l’existence infinie. L’autre, pour un temps, jouet involontaire de la circonstance et