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DEUXIÈME SOLDAT

Tenez, le voici ! Dépêchons-nous et tuons le maroufle !

FAUST

Qu’est ceci ? une embuscade contre ma vie ! Allons, Faust, aie recours à ta science. Vils manants, arrêtez ! Tenez, ces arbres reculent à mon commandement et se tiennent entre vous et moi comme un boulevard, pour me mettre à l’abri de votre odieuse trahison. Et, pour affronter vos faibles efforts, voici une armée qui arrive.

Faust donne un coup sur la porte. Aussitôt un diable entre en battant le tambour. Il est suivi d’un autre démon, portant un étendard, puis d’une foule d’autres portant des armes. Derrière eux arrive Mephostophilis lançant des feux d’artifice. Tous courent sus aux soldats et les chassent.
(Extrait du Faust de Marlowe.)

(27) Rien de plus solennel et de plus touchant à la fois que cet adieu de Prospero aux esprits qui l’ont aidé dans ses opérations magiques. Shakespeare a voulu que cette séparation fît sur son public une impression sympathique, et, quand Prospero a parlé, le spectateur regrette presque qu’il ait si vite congédié ses invisibles agents. Chose remarquable ! l’auteur de La Tempête n’a pas un mot de blâme pour ce commerce de l’homme avec le monde mystérieux. Ce silence est d’autant plus significatif que les poëtes contemporains de Shakespeare n’ont pas hésité, pour la plupart, à réprouver ces relations, prohibées par la religion et par la loi. L’auteur du Docteur Faust, que nous avons déjà cité, conclut son drame par cet anathème :

« Faust n’est plus. Regardez son infernale chute, et puisse sa destinée diabolique engager le sage à n’avoir que de l’étonnement pour ces choses défendues, dont l’étude approfondie entraîne les esprits aventureux à des pratiques interdites par la puissance céleste ! »

Le même anathème que Marlowe jette à Faust, le représentant de la science au quinzième siècle, — Greene le jette au moine Bacon, le représentant de la science au quatorzième. Autant, dans La Tempête, le but de la magie est élevé, autant il est vil dans la pièce de Greene, intitulée : Frère Bacon et frère Bungay. Le héros de cette pièce, qui n’est autre que le fameux Bacon, l’inventeur présumé de la poudre à canon et du télescope, joue le rôle d’entremetteur et aide le prince de Galles à séduire une pauvre paysanne. Le Bacon de Greene a inventé un miroir dans lequel il montre à ses visiteurs l’image de ceux qu’ils désirent voir. Cette invention (qui évidemment rappelle la découverte du télescope) est la cause d’un événement terrible, qui a pour conséquence le repentir de l’enchanteur et sa renonciation à la sorcellerie.