Pourquoi lui plus qu’un autre ?
Ah ! sa peau est tellement tannée par le métier qu’il a fait, qu’elle ne prend pas l’eau avant longtemps : et vous savez que l’eau est le pire destructeur de votre putassier de corps mort. Tenez, voici un crâne : ce crâne-là a été en terre vingt-trois ans.
À qui était-il ?
À un extravagant fils de garce. À qui croyez-vous ?
Ma foi ! je ne sais pas.
Peste soit de l’enragé farceur ! Un jour il m’a versé un flacon de vin du Rhin sur la tête ! Ce même crâne, monsieur, était le crâne de Yorick, le bouffon du roi.
Celui-ci ?
Celui-là même.
Hélas ! pauvre Yorick !… Je l’ai connu, Horatio ! C’était un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise : il m’a porté sur son dos mille fois. Et maintenant quelle horreur il cause à mon imagination ! Le cœur m’en lève. Ici pendaient ces lèvres que j’ai baisées, je ne sais combien de fois. Où sont vos plaisanteries maintenant ? vos escapades ? vos chansons ? et ces éclairs de gaieté qui faisaient rugir la table de rires ? Quoi ! plus un mot à présent pour vous moquer de votre propre grimace ? bouche