Celui-ci ? Laisse-le-moi voir, je t’en prie ! Hélas ! pauvre Yorick ! Je l’ai connu, Horatio ! — C’était un garçon d’une gaieté infinie ; il m’a porté vingt fois sur son dos. Ici pendaient ces lèvres que j’ai baisées cent fois ! et maintenant elles me font horreur à regarder. Où sont vos plaisanteries maintenant, Yorick ? Vos éclairs de gaieté ? Allez maintenant trouver madame dans sa chambre, et dites lui qu’elle a beau se mettre un pouce de fard, il faudra qu’elle en vienne à ceci, Yorick. Horatio, je t’en prie, dis-moi une chose, crois-tu qu’Alexandre ait eu cette mine-là ?
Oui, sans doute, monseigneur.
Et cette odeur-là ?
Oui, monseigneur, justement la même.
Eh bien, qui empêcherait l’imagination de raisonner comme ceci sur Alexandre : Alexandre est mort, Alexandre a été enterré, Alexandre est devenu terre ; avec la terre, nous faisons de l’argile, et Alexandre n’étant plus qu’argile, qui empêche que, par l’effet du temps, il n’arrive à fermer le trou d’un baril de bière ?
L’impérial César une fois mort et changé en boue,
Pourrait boucher un trou et arrêter le vent du dehors.
Quelles sont ces funérailles dont toute la cour se lamente ? — Il faut que la morte soit d’une noble famille. — Tenons-nous à l’écart un moment.