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JULES CÉSAR.

octave. — Je ne cherche pas à vous contrecarrer, mais je le veux ainsi.

(Marche. — Tambour. — Entrent Brutus et Cassius, avec leur armée ; Lucius, Titinius, Messala et plusieurs autres.)

brutus. — Ils s’arrêtent, et voudraient parlementer.

cassius. — Failes halte, Titinius ; nous allons sortir des lignes pour conférer avec eux.

octave. — Marc-Antoine, donnerons-nous le signal du combat ?

antoine. — Non, César ; nous attendrons leur attaque. Les généraux voudraient s’aboucher un moment.

octave. — Ne vous ébranlez point jusqu’au signal.

brutus. — Les paroles avant les coups, n’est-il pas vrai, compatriotes ?

octave. — Non que nous préférions les paroles, comme vous le faites.

brutus. — De bonnes paroles, Octave, valent mieux que de mauvais coups.

antoine. — En portant vos mauvais coups, Brutus, vous donnez de bonnes paroles : témoin l’ouverture que vous avez faite dans le cœur de César, en criant : « Salut et longue vie à César. »

cassius. — Antoine, la place où vous portez vos coups est encore inconnue ; mais pour vos paroles, elles vont dépouiller les abeilles d’Hybla, et les laissent privées de miel.

antoine. — Mais non pas d’aiguillon.

brutus. — Oh vraiment ! d’aiguillon et de voix ; car vous leur avez dérobé leur bourdonnement, Antoine, et très-prudemment vous avez soin de menacer avant de frapper.

antoine. — Traîtres vous n’en fîtes pas de même, quand de vos lâches poignards vous vous blessâtes l’un l’autre dans les flancs de César : vous lui montriez vos dents comme des singes, vous rampiez devant lui comme des lévriers, et, prosternés comme des captifs, vous baisiez les pieds de César ; tandis que le détestable Casca, venant par derrière comme un chien abâtardi, perça le cou de César. Ô flatteurs !