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ACTE IV, SCÈNE III.

coupe de vin. — Cassius, j’ensevelis ici tout sentiment d’aigreur.

(Il boit.)

cassius. — Mon cœur a soif de la noble coupe[1] qui va vous faire raison. Remplis, Lucius, jusqu’à ce que le vin déborde : je ne puis trop boire de l’amitié de Brutus.

(Rentre Titinius avec Messala.)

brutus. — Entre, Titinius. — Sois le bienvenu, brave Messala. — Maintenant prenons place, serrons-nous autour de ce flambeau, et délibérons sur ce que nous avons à faire.

cassius. — Ô Porcia, as-tu donc cessé de vivre ?

brutus. — Cessez, je vous conjure. — Messala, ces lettres que j’ai reçues, m’apprennent que le jeune Octave et Marc-Antoine viennent à nous avec une puissante armée, et dirigent leur marche sur Philippes.

messala. — J’ai aussi des lettres qui annoncent absolument la même chose.

brutus. — Qu’y ajoute-t-on ?

messala. — Que par des décrets de proscription et de mise hors la loi[2], Octave, Antoine et Lépidus ont fait périr cent sénateurs.

brutus. — En cela nos lettres ne s’accordent pas bien. Les miennes ne parlent que de soixante-dix sénateurs morts par l’effet de cette proscription : Cicéron en est un.

cassius. — Cicéron en est ?

messala. — Oui, Cicéron est mort, il était sur la liste de proscription. — Brutus, avez-vous reçu des lettres de votre femme ?

brutus. — Non, Messala.

messala. — Et dans vos lettres, ne vous mande-t-on rien sur elle ?

brutus. — Rien, Messala.

messala. — Cela me paraît étrange.

  1. My heart is thirsty for that noble pledge. Pledge, coup de vin destiné à faire raison à celui qui boit à votre santé. La formule usitée autrefois en français était : Je bois à vous, à quoi le convive répondait Je vous pleige d’autant.
  2. Outlawry.